Voyage en COLOMBIE (2018) – 10

Ce matin, nous sommes à un site qui s'appelle Las Ventanas ("les fenêtres") Et nous sommes ici pour une espèce très très spéciale…

Ce matin, nous sommes à un site qui s’appelle Las Ventanas (« les fenêtres ») Et nous sommes ici pour une espèce très très spéciale…

Nous devons encore utiliser des Jeep pour nous rendre en hauteur, où nous observerons le fascinant phénomène des "rondes" de tangaras! Je vous explique plus bas!

Nous devons encore utiliser des Jeep pour nous rendre en hauteur, où nous observerons le fascinant phénomène des « rondes » de tangaras! Je vous explique plus bas!

 

Donc, je vous en écris long, ce matin, mais je vous conseille vivement de lire jusqu’à la fin! Vous verrez que ça en vaut la longueur!!

…Une « ronde », c’est LE phénomène concernant les oiseaux tropicaux le plus étudié au monde!!! On le connaissait depuis longtemps, mais on en ignorait totalement ce qu’on découvre aujourd’hui, excessivement fascinant, et pratiquement incroyable…!

Bon! D’abord, une ronde, c’est un groupe d’oiseaux pouvant atteindre 20, 30, et jusqu’à 50 espèces différentes, rarement plus de quelques individus mâles et femelles de chaque espèce, dans une association TRÈS COMPLEXE…!

Une ronde, donc, ça a : une direction, un itinéraire et une vitesse. C’est-à-dire que, quand une ronde approche de nous, c’est une panoplie de chants et de cris d’oiseaux qui s’approchent et s’intensifient, et ça nous informe qu’un grand moment arrive!

…Les oiseaux à la recherche de nourriture se déplacent en « groupe », dans une certaine direction, et à une certaine vitesse. Il est important de bien l’évaluer, pour pouvoir la suivre… ou, encore mieux, quand c’est possible, pour la devancer, la précéder… et éventuellement la voir passer…

…Mais, tôt ou tard, elle se dirige vers un endroit inaccessible pour les « non-volants » que nous sommes… et nous avons, là, « perdu » la ronde…

La ronde repassera là tous les jours… et, selon la longueur de son itinéraire et sa vitesse, elle peut repasser plus d’une fois dans la même journée.

Être en contact avec une « bonne » ronde, c’est complètement fou! Tout le monde décrit un oiseau différent, ça bouge rapidement, ça s’alterne comme si la « personne » qui a la « télécommande » cherchait un autre « poste »…! Souvent, la ronde passe et, un coup que tout est fini, je me remets (enfin!) à respirer…!

La courte durée de l’expérience, mêlée à l’intensité, donne l’impression d’un « rêve passé », quand le calme est revenu…

Ça c’est la « base »… Ce qu’il y a d’exceptionnel, c’est l’organisation d’une ronde entre de multiples espèces! Ce n’était pas très connu, admis, jadis, une association aussi complexe avec autant d’espèces différentes dans le monde animal au grand complet!

…Dans une ronde, donc, il y a des RÔLES : le meneur de ronde, le guetteur, … (par exemple). Le meneur de ronde, c’est celui qui décide du départ, tôt le matin, de la direction, du circuit, du temps passé à chaque endroit. Pour bien comprendre son rôle, les scientifiques ciblent qui est le meneur et ils le capturent pour voir comment la ronde se comporte sans lui, comment elle renomme un autre meneur ou en recrute un nouveau…

…Ou bien, ils interchangent des meneurs de rondes différentes pour voir ce que ça a comme impact. C’est fascinant, ce qu’ils découvrent!

Le rôle du « guetteur », maintenant, c’en est un qui m’impressionne beaucoup. Toutes les espèces de la ronde sont des insectivores, mais chaque espèce a une façon subtilement différente de trouver et de capturer ses insectes : sur le tronc des arbres, dans les mousses, dans les feuilles mortes, sous l’écorce, en canopée, à l’intérieur du feuillage, plus bas, … et tout ce beau petit monde trouve à s’alimenter comme il se doit!

MAIS! Il y a le GUETTEUR! Lui, il doit surveiller les risques, les dangers pour ses « amis »… de la prédation qui peut venir des airs par un oiseau, ou un serpent dans les branches, sur le tronc,… Quand il voit une menace, il émet un cri très particulier, que tous les autres oiseaux (même s’ils ne sont pas de la même espèce que lui (!!!)) reconnaissent! Et tout le monde se met à couvert, sans bruit, sans bouger… jusqu’à ce que… le guetteur réémette un autre cri spécial, le cri qui annonce la reprise de la ronde!

C’est un travail très important, et pas question qu’il soit distrait en cherchant sa nourriture, lui aussi, comme les autres… Ce qui se passe alors est fascinant, tout le monde va collaborer pour contribuer à récompenser leur ami précieux…

Il arrive un moment où une proie particulièrement volumineuse, qui donne donc un apport énergétique important en une seule capture, soit à proximité de la ronde… Les autres oiseaux vont la laisser là, et chercher des insectes moins nourrissants, mais en en mangeant une plus grande quantité… Tranquillement, le guetteur va s’approcher de la proie et, quand il est suffisamment près, il va émettre son cri d’alarme. Tout le monde sait que c’est une fausse alerte, mais tout le monde joue le jeu et ils vont se cacher! Le guetteur s’enquiert de la proie, qu’il dévore, et reprend aussitôt sa vitale tâche au sein du groupe, et la ronde continue! Il mange donc rarement, mais quand il mange, ça vaut le coût!

De telles interactions entre autant d’espèces différentes, ça a de quoi fasciner! Des chercheurs de partout dans le monde font des projets d’études sur le phénomène. Ils doivent constituer d’importantes équipes pour suivre une ronde à la trace et bien en comprendre toutes les ramifications!

Nous, observateurs, avons à peine le temps de voir une proportion de ses membres quelques secondes chacun; imaginez ce que ça prend pour les suivre, et pour capturer les meneurs, voir l’impact, intervertir des membres, évaluer comment un membre qui disparaît est remplacé, par qui, etc. C’est colossal comme travail!

Je crois que nous avons beaucoup à apprendre, pour nous inspirer de cette façon de collaborer entre espèces… Nous qui avons même du mal à collaborer au sein d’une même espèce.

Et ici, je ne vous résume que quelques aspects fascinants de ce monde que l’on apprend tout juste à connaître…

 

Je continue avec une espèce qu’on n’a pas vue dans le contexte des rondes… mais dans un autre contexte particulièrement impressionnant!

…En 1976, après une disparition de beaucoup de ces palmiers du genre « Ceroxylon », qui servent à l’alimentation et, surtout, à la nidification d’une sorte de perruche qu’on appelle la Conure à joues d’or... On ne l'a plus revue, la considérant ÉTEINTE... jusqu'en 1998!!!!!!

…En 1976, après une disparition de beaucoup de ces palmiers du genre « Ceroxylon », qui servent à l’alimentation et, surtout, à la nidification d’une sorte de perruche qu’on appelle la Conure à joues d’or… On ne l’a plus revue, la considérant ÉTEINTE… jusqu’en 1998!!!!!!

Moment où une TRÈS GRANDE expédition, partout en Colombie et en Équateur, a eu lieu pour la retrouver. C’est ici le seul endroit où elle a été trouvée… C’est comme si elle était « ressuscitée »… …et il aura fallu attendre deux autres années pour trouver où se tenaient les individus d’une petite population… et cet endroit a été mis en réserve (ici) en 2002!!! L'espèce se porte déjà mieux... C’est vraiment impressionnant et touchant d'être témoin de cette reprise quasi miraculeuse! La mise en réserve, pour des fins d’observation (comme nous le faisons), des études et surtout de la conservation, est super importante! Nous sommes heureux d’y contribuer un peu aujourd’hui!

Moment où une TRÈS GRANDE expédition, partout en Colombie et en Équateur, a eu lieu pour la retrouver. C’est ici le seul endroit où elle a été trouvée… C’est comme si elle était « ressuscitée »…
…et il aura fallu attendre deux autres années pour trouver où se tenaient les individus d’une petite population… et cet endroit a été mis en réserve (ici) en 2002!!! L’espèce se porte déjà mieux…
C’est vraiment impressionnant et touchant d’être témoin de cette reprise quasi miraculeuse! La mise en réserve, pour des fins d’observation (comme nous le faisons), des études et surtout de la conservation, est super importante! Nous sommes heureux d’y contribuer un peu aujourd’hui!

On voit ici un Colibri de Lafresnaye, qu'on appelle "Mountain velvetbreast", en anglais, vu son ventre noir qui rappelle le velours!

On voit ici un Colibri de Lafresnaye, qu’on appelle « Mountain velvetbreast », en anglais, vu son ventre noir qui rappelle le velours!

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Un bel Inca à collier!

Un bel Inca à collier!

Et l'Héliange tourmaline, un colibri que je trouve très beau! Sa gorge n'a cette couleur que lorsqu'elle est placée dans un angle très précis...

Et l’Héliange tourmaline, un colibri que je trouve très beau! Sa gorge n’a cette couleur que lorsqu’elle est placée dans un angle très précis…

Un Pitajo à poitrine rousse. Je ne l'avais jamais vu de près; j'étais super content d'avoir enfin la chance de voir son beau spectacle!!

Un Pitajo à poitrine rousse. Je ne l’avais jamais vu de près; j’étais super content d’avoir enfin la chance de voir son beau spectacle!!

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Un Percefleur masqué

Un Percefleur masqué

Et une belle Paruline dorée, que les gens aiment beaucoup voir!

Et une belle Paruline dorée, que les gens aiment beaucoup voir!

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Un superbe Toucan montagnard!!

Un superbe Toucan montagnard!!

Un Cassique montagnard

Un Cassique montagnard

Ici, nous voyons un Tangara de Rieffer, l'un des 17 petits tangaras et callistes colorés que nous verrons dans la journée!! On l'appelle aussi, entre nous, le Tangara de Noël, vu ses couleurs! Bien qu'il soit petit, il est plus gros que les autres de sa famille, et il impressionne beaucoup par ses couleurs!

Ici, nous voyons un Tangara de Rieffer, l’un des 17 petits tangaras et callistes colorés que nous verrons dans la journée!! On l’appelle aussi, entre nous, le Tangara de Noël, vu ses couleurs!
Bien qu’il soit petit, il est plus gros que les autres de sa famille, et il impressionne beaucoup par ses couleurs!

Puis, pour terminer, un bel Anabate flammé, une espèce super discrète qu'on ne voit pas souvent. J'étais super content d'avoir la chance de la voir, et à plusieurs reprises! J'ai réussi à en prendre deux photos. Nous l'avons vue en ronde, elle aussi.

Puis, pour terminer, un bel Anabate flammé, une espèce super discrète qu’on ne voit pas souvent. J’étais super content d’avoir la chance de la voir, et à plusieurs reprises! J’ai réussi à en prendre deux photos. Nous l’avons vue en ronde, elle aussi.

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9 réflexions sur « Voyage en COLOMBIE (2018) – 10 »

  1. Suzanne Labbé

    Je me souviens d’avoir assisté à ce phénomène avec toi en Équateur. Déjà, je trouvais ça extraordinaire et ce, sans en connaître toutes ces informations que tu nous ajoutes aujourd’hui. Merci beaucoup pour ce texte très informatif et évidemment, pour toutes les belles photos qui l’accompagnent. xx

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  2. pauline

    J’aime et j’aimerai toujours me faire raconter les rondes. Et c’est aussi très magique d’avoir pu en vivre lors du voyage en Colombie. Bravo pour le magnifique travail.

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  3. Francois Lacasse

    Impressionnant ce phénomène de ronde. J’en avais été témoin pendant un voyage avec toi au Costa Rica. Un travail colossal en effet pour en arriver à ces conclusions. Parfois au Québec j’ai l’impression d’assister à de mini-rondes. Tu ne sais plus où regarder et écouter pour ne rien manquer.

    Et que dire des magnifiques photos présentées ici.

    Merci Serge pour ton énergie à nous faire partager ta passion.

    François Lacasse

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  4. Normand Fleury

    Merci beaucoup Serge. Explications fascinantes sur les rondes. Je me promet d’y retourner un jour avec toi pour revivre le phénomène à nouveau.

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  5. Gemma Paradis

    Tout simplement extraordinaire cette ronde.L’entraide existe dans cette nature sauvage.
    J’apprécie énormément ton texte qui ne peut être plus explicite. Merci pour ces moments de lecture fantastiques.

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  6. Diane Plante

    Bonjour Serge,
    Je suis fascinée par ce que tu partages concernant le phénomène de la ronde. J’ignorais complètement ce phénomène et je suis enchantée d’apprendre le rôle de chacun des oiseaux dans cette voltige nourricière. Comme ça doit être fascinant d’entendre la diversité des cris et de voir virevolter le groupe ….

    Merci de m’offrir de beaux moments de contemplation et d’émerveillement de notre magnifique monde ailé. S’intéresser aux oiseaux, c’est vraiment une belle richesse mais de pouvoir apprendre au contact d’experts comme toi, c’est un véritable cadeau.

    Diane

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  7. louise Lemoine

    Quel endroit extraordinaire la Colombie ! Merci pour ton côté scientifique que tu nous partages avec simplicité et générosité. Ton  » Tangara de Noël » est tellement séduisant :-))

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